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11 octobre 2010 1 11 /10 /octobre /2010 00:30


J'ai toujours beaucoup de mal à expliquer la distinction entre journaliste et attaché de presse. Alors prenons un exemple :

 

Prenons Jésus.

C'est un fait, le gugusse a existé, et est cité dans nombre d'écrits non-religieux de l'époque. Tout le reste n'est qu'affaire de croyance.

 

Jésus avait 12 attachés de presse. Ces derniers ont tous écrit un dossier de presse pour leur client. Au final, on a gardé les quatre plus vendeurs, qu'on a regroupé dans un livre (sorte de gros fichier PDF qui a la particularité de prendre la poussière) baptisé "Nouveau Testament" (oui, il faut toujours donner un titre ronflant à un communiqué de presse).

      http://interparole-catholique-yvelines.cef.fr/bibliographie/LaCeneVinci.jpg
Conférence de presse à Jerusalem

 

Vu par le journaliste de l'an 33 (époque où la presse devait vraisemblablement déjà être en crise), voici ce qu'aurait donné l'entrée de Jésus dans Jérusalem.

"La capitale a été hier investie par une foule fêtant l'arrivée d'un certain Jésus, natif de Nazareth ayant fait parler de lui ces derniers mois en se présentant comme le fils de Dieu, et en accomplissant une série de "miracles". Des mystifications, selon ses détracteurs, qui lui prêtent même une relation avec une prostituée. Mais le jeune homme a en tout cas su générer un engouement certain. De quoi inquiéter les autorités qui voient en lui un hurluberlu provoquant des troubles de la circulation en ville,"

 

Maintenant, lisons le communiqué de presse relatant l'événement.

"Après une tournée triomphale dans toute la Judée, c'est à présent à Jérusalem que Jésus Christ, fils de Dieu et Messie des hommes, dispensera la bonne parole. Après avoir soigné les lépreux, multiplié les pains, réveillé les morts, le Christ annonce qu'il se produira prochainement devant le Temple, sur la place des marchands. Un événement à ne pas manquer ! Et le Fils de l'Homme promet par la suite un grand diner spectacle ainsi qu'une after au Mont des Oliviers. Attention, le nombre de place étant limitée, merci de contacter ASAP le service de presse afin de recevoir votre pass VIP. Merci de respecter le dress-code".

 

Et si on poursuit dans cette veine, un fait saute aux yeux : Judas devait être le plus avant-gardiste des attachés de presse. Pourquoi ? Parce que si ce dernier a dénoncé Jésus, c'était pour faire du buzz !!! Le bougre était certain que Jésus gagnerait son procès et doublerait ainsi son audience sur les ménagères. Et Jésus l'a même laissé faire, du genre "Vas-y, tentes le coup. Mais si ça merde, t'aura du mal à retrouver du boulot, mon ptit pote !" Et Judas a hélas au passage découvert le problème avec les buzz : ça a tendance à se retourner contre ses organisateurs.

 

Conclusion : un attaché de presse a pour boulot de présenter son client comme le Messie à des journalistes blasés qui n'y verront qu'un dingo de plus. Mais en 2000 ans, c'est devenu plus vicieux : au lieu d'envoyer des barbus sales et hirsutes, aujourd'hui on envoie surtout de pimpantes jeunes femmes aux sourires ravageurs et à l'esprit vifs. De quoi faire du boulot des journalistes hommes, un chemin de croix.

 

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9 décembre 2009 3 09 /12 /décembre /2009 12:00

Après le droit de réponse, parlons aujourd’hui de l’erratum : lorsqu’une info incorrecte est publiée, l’organe de presse fait paraître un court correctif remplaçant la mauvaise info par la bonne.

 

Parlons de cette grande enseigne d’habillement que vous connaissez tous pour l’avoir croisée dans les zones commerciales, et que nous appellerons « La Frite » (comme la marque de lessive, oui).

 

Voici donc ce que m’écrit Nadine Lapette-Sec, directrice juridique de La Frite :

« Nous souhaiterions faire publier un erratum, suite à différents articles annonçant le lancement par notre marque d’une ligne dénommée « Choucroute ». Notre enseigne n’a jamais lancé, ni même eu l’intention de lancer, une ligne ainsi dénommée. Toute utilisation du mot « Choucroute » en  anglais n’a été faite que pour évoquer l’esprit urbain des collections.

 

Non seulement Nadine fait référence à un seul article, ainsi qu’à une ligne qui mérite à peine le titre d’information tertiaire, mais surtout les communiqués validés par la marque revendiquaient clairement l’appellation « Choucroute ». Et pour parachever le tout, je garde un mail de La Frite me remerciant suite à la parution de l’article…ce qui remonte à plus de six mois !?!

 

 

Là, lecteur, tu te dis « Diante, mais quel est ce binz ? »

 

Explication : La Frite est en fait sous la menace d’un procès fomenté par la marque qui détient l'appelation « Choucroute ». Celle-ci est très jalouse de l’utilisation de son nom (et son avocat a enfin trouver un truc à faire entre deux redressages de trombone et perçage de papier-bulle).


Consciente que cela sent mauvais, La Frite cherche donc à faire disparaitre toutes les allusions à la ligne Choucroute, quitte à nier jusqu’à son existence. « Notre enseigne n’a jamais lancé, ni même eu l’intention de lancer… ». Oui ! Comme dans X-Files ! C’est le Roswell de l’information ! Il ne s’est rien passé ! C’est limite si l’information ne m’a pas été donnée à 3h du matin dans un parking sombre par un attaché de presse aux traits cachés par un chapeau et un imperméable beige !

 

Pas besoin de mettre un X blanc à sa fenêtre pour comprendre que si La Frite n’a rien dit, rien fait, même qu’elle a un témoin qui peut le prouver, qui sont les méchants de l’histoire ??? Comme toujours : ces-salauds-de-journalistes-qui-font-rien-qu’à-raconter-des-conneries.

 

Autant vous dire que la directrice juridique de La Frite s’est faite envoyer bouler comme jamais elle n’avait pensé l’être.

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2 décembre 2009 3 02 /12 /décembre /2009 12:00
Le fait que journaliste et hommes politiques se tutoient allègrement (mais pas systématiquement) est de notoriété publique (l’excellent site ArretsurImage vous le dira mieux que moi).

Voici une petite expérience vécue quelques années en arrière.


Mon école est contactée par un grand parti politique. Ce dernier cherche de jeunes journaleux pour animer, devant de jeunes militants, un débat, entre les (moins jeunes) candidats à la candidature pour la mairie de Paris.


Me voilà donc sur une péniche à deux pas du Palais Bourbon pour animer la soirée avec deux comparses. J’avoue que je n’ai pas vraiment l’habitude de passer la soirée des « jeunes » gens qui, à ma grande surprise, sont à 80 % vêtus de polos de marques et d’un petit pull en maille noué sur les épaules pour se donner un aspect relax (rebelle, déglinguot, hooligan quoi !).


Les quatre candidats arrivent dans leurs voitures avec chauffeurs. Et tandis qu’un député à l’haleine Marlboro Light me les présente, l’étonnant se produit : alors que je lui tends la main en émettant un « enchanté » de bon aloi soigneusement répété, la candidate féminine se penche vers moi, me pose la main sur l’épaule, me fait une double bise et lâche en un grand sourire « Comment tu vas ? ».



!!!!



Comment réagir quand une parfaite inconnue, face à laquelle votre profession impose un rapport neutre et dépassionné, vous claque la bise comme une tantine de province (vous savez, celle qui vous tire les joues et vous glisse discrètement une pièce dans la main pour que vous vous achetiez des bonbons) ?


Là, pris par surprise, j’ai du baragouiner quelque chose comme « euh oui euh bien euh et toi ? Vous ? Madame ? Zavez vu le temps qui fait ? holala on est pas gâté…».


J’ai très vite éliminé la possibilité qu’elle pense m’avoir déjà croisé par le passé. Mais qui tutoie-t-elle alors ? Le journaliste (neutre, dépassionné, limite chiant avec toutes ses questions ?) ou le jeun’s que je suis (ce qui m’étonnerait vu que même les jeun’s venus assister à la soirée m’ont tous respectueusement vouvoyés, même pour me demander le chemin des waters) ?


Un camarade ayant eu une expérience similaire me dira un jour « Son Tu m’a fait l’effet d’une main au cul ». Image dont la justesse n’a d’égale que sa grande trivialité.



Toujours est-il que j’ai eu de la sympathie pour cette candidate. Surtout lorsqu’un de ses opposants a cru bon de lancer pendant le débat « on est pas dans un concours de beauté !!! ». Réplique dont la misogynie crasse et suintante aurait d’avantages fait mouche à la fin du XIXe siècle.


Il se trouve que la candidate à la candidature est devenue candidate à la mairie de Paris. Élection d’ailleurs paumée dans les grandes largeurs par son parti. Cette candidate, je l’ai d'ailleurs un jour vu pleurer, face caméra, en parlant de cette période.

Ça fait drôle de voir une tantine de province
pleurer.
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25 novembre 2009 3 25 /11 /novembre /2009 11:08

 


Cette phrase ponctue invariablement toutes les fins d’interviews. Il est en effet de plus en plus courant que certains attachés de presse considèrent qu’un article est un dû. Et peu importe si l’interview s’est révélée vide de tout intérêt (en dépit des viennoiseries posées sur la table).
 
 

 

Il faut voir que lorsqu’une entreprise fait appel à un bureau de presse, cela se traduit généralement par « Hé, cocotte, à la fin du mois, je veux tant d’articles sur ma pomme ». Le problème c’est que ces entreprises oublient souvent que, pour parler de sa pomme, ces poires de journalistes ont besoin d’une chose toute bête : une information ! (oui, je sais, c’est ballot)





A l’instar du hard rock et des chasseurs, il y a le bon et le mauvais attaché de presse :

-          un bon attaché de presse, il a une info, ben…il obtient une parution.

-          un mauvais attaché de presse, il a pas d’info, ben…il obtient une parution.
 
 

Les plus cyniques penseront sûrement que c’est en fait l’inverse (petits malins, va !). Mais à long terme, non ! Se tire une balle dans le pied tout attaché de presse capable de dire « Hé bichette/coco/mamour/ma couille, cette société lance un grand plan de développement ? Une interview t’intéresse ? », tout en sachant pertinemment que ce « grand plan » est vieux de trois ans, ou consiste juste à changer la moquette du siège.
 
 

Car une fois que le journaliste prend conscience qu’il vient de se faire enfiler (à sec et sans petit bisous avant), tout se dérègle. La société harcèlera l’attaché de presse pour savoir quand paraitra l’article, l’attaché de presse harcèlera le journaliste pour savoir quand paraitra l’article, et le journaliste va se mettre à exécrer ardemment cette société et ce bureau de presse qui lui a fait perdre son temps et sa patience (et en plus, vindiou de vindiou, le café servit lors de l'ITW était dégueu).

 

Combien d’interviews obtenues uniquement sur de fausses promesses de nouveautés ? Combien d’interviews obtenues uniquement après un travail de sape via harcèlement téléphonique, n’aboutissant que sur des entretiens mous, creux, et sans intérêt ?

 

En fait, un bon attaché de presse est celui qui arrive à répondre aux demandes parfois surréalistes de ses clients tout en évitant aux journalistes de froisser leur déontologie (oula, un gros mot) à force d’écrire des interviews que même la presse people en voudrait pas (et pourtant, d'habitude, elle fait pas sa mijaurée, la gourmande).
 

Mais vu que ce sont les clients qui signent les chèques, ce sont généralement les journalistes qui finissent par l’avoir dans le dos (en bas, au fond, et à droite).

 

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18 novembre 2009 3 18 /11 /novembre /2009 00:01

Je sais, cher lecteur, que tu brûles d'envie de savoir ce qu'est un "Droit de Réponse".
 

Il permet à une personne ou à une société citée dans une parution, d'une manière qu'elle juge erronée, de demander la publication d'un texte expliquant sa propre vérité (en gros).
 

Mais parfois, ce "droit" peut donner lieu à des débordements plus que casse-noix, et, parfois, offrir de petites revanches.


Au hasard (ou presque) : un grand catalogue allemand de vente à distance est placé en redressement judiciaire. Quelques jours plus tard, la rédaction ayant relayé l'information reçoit un courrier en AR de l'avocate non du catalogue allemand, mais de sa déclinaison française.
 

Dans un langage aussi châtié que lexico-masturbatoire, l'avocate argue que le catalogue français craint d'être confondu avec le catalogue allemand ("avec lequel il n'a plus rien à voir"), effrayant du même coup ses propres clients. Elle EXIGE un droit de réponse (tout en oubliant de réclamer 100 balles, un mars et une p..., comme le veut la tradition).
 

Décision est prise à contrecœur de céder à cette demande. Un article parait donc en expliquant que "le-catalogue-français-n'a-plus-rien-à-voir-avec-le-catalogue-allemand-qui-est-en-redressement-judiciaire-(ronfle-ronfle-ronfle)".


MAIS comme le journaliste en charge de l'article est une sale ordure mal rasée qui dit des gros mots et joue à des jeux violents (votre serviteur, donc), est ajoutée en fin de papier une toute toute chtite information qui vaut le détour :
 

"Le catalogue français, lui aussi, a été placé en redressement judiciaire il y a 10 jours".
 

Comme quoi, quand on demande un droit de réponse, faudrait voir à ne pas foutre de la gueule de gens. 

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6 août 2009 4 06 /08 /août /2009 13:00

Comme j’ai pu l’écrire par le passé, les communiqués peuvent être source d’exaspération chronique comme de fous rires incontrôlables.

Dans l’univers de la beauté, il faut bien avouer que c’est la seconde catégorie qui domine.

Pour un parfum, par exemple, le journaliste a besoin de cela : « Le parfum X se compose de senteurs de X, présenté dans un flacon de forme X, contenant Xml de jus et vendu X euros ».

Et bien pourtant, régulièrement, on se retrouve avec un communiqué disant cela :

« Le flacon, courbe et or, futuriste, brille comme larme d’or, une larme de joie et de bonheur féminin : proche du corps humain. Ce flacon, c’est bien sûr la femme, c’est même la quintessence de la femme ; c’est une douceur dorée, c’est une goutte d’or, comme celles dans laquelle Zeus s’incarna pour féconder Danaé ».

...que dire à part "Dites non à la drogue !"...

 

 

 

Et pour répondre aux mails : OUI, je suis à présent traçable sur Facebook et Twitter, depuis les liens en haut à droite. :)

De quoi délirer en temps réèl...

 

 

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15 juillet 2009 3 15 /07 /juillet /2009 20:00

 


Parfois, quand il ne reste plus d’autres solutions, le journaliste peut avoir recours aux interviews par mail. Il envoit ses questions, auxquelles l’interviewé répond de manière précise dans les plus brefs délais.

Cet exercice est déontologiquement discutable, l’interlocuteur ayant une maitrise totale de sa parole qui peut dissimuler avantageusement des zones d’ombres sur lesquels le journaliste ne peut pas le « contre-interroger ».

Mais le plus gros problème avec les Itw-Mail, c’est parfois que certains ne comprennent pas vraiment que des questions précises appellent des réponses précises, ou qu’un journaliste a besoin d’avoir des données intéressantes pour justifier un article.

Je vous livre ici le fruit d’un Itw-Mail menée à contre-coeur par une collègue qui est depuis sous morphine pour ne pas aller dépesser son interlocuteur au couteau à beurre :

 

 

 


« - Combien de paires sont lancées ?  Homme et femme ?  

L'univers femme représente 35 % de notre activité

(Remarquer l’écart entre la précision du « combien » et le flou d’un pourcentage mou et inutile puisque ne reposant sur aucun chiffre absolu…)

 

- Quels sont les objectifs de développement relatifs au segment femme ? (à moyen terme)

Nous n'avons pas d'objectif chiffré mais uniquement un objectif de qualité.

(Ben voyons, on est tombé sur une entreprise dont le but n’est pas le profit mais juste de rendre les gens heureux. Un dispensaire religieux, quoi…)

 

- Même question pour les bijoux. 

Les bijoux sont développés en interne idem mais dans une moindre mesure que les chaussures.          

 (La question de départ étant « quels sont les objectifs », je vous laisse savourer le "n’importenawak" de ce caca réthoriquo-blablataire…)

 

- Combien représentent ces marchés clefs en % par rapport au CA global ?  

Plus de la moitié du CA.

(Entre 50 et 100 %, donc. La vache, c’est aussi précis qu'un discour de C.Albanel sur la loi Hadopi)

 

- Quels sont les chiffres de vente à ce jour ?

 Ils évoluent très vite.

(Question- « Tu as quel âge DDX ?» ; Réponse- « Je vieillis très vite !»)

 

- Quel est la répartition du CA vente boutique / vente online en % ?

Très intéressante.

(Et si, mes bons amis….Il aurait marqué « qu’est-ce que ca peut te foutre, pauvre connasse ! », je pense que l’effet aurait été le même).

 

-  Dans combien (et où et quand ont-elles été ouvertes) de boutiques en propre (et multimarques) est présente la marque dans le monde ? 

Nous avons quatre magasins en propre répartis sur Melun, Dijon et Carnac, et Strasbourg.

(La vache ! Donc tu ne donnes pas d’info, tu es désagrable dans tes réponses, tu « exiges » presque un article…et t’as quatre pauvre boutiques….......

Alors, mon petit pote, je peux te dire qu’en général les VRAIS pro attendent d’avoir au moins un concept store à Dubaï et un corner sur la 5ème Avenue avant de faire des réponses de Diva, ducon !)

 


Quand tu penses que ce sont ces mêmes mecs qui t’appellent ensuite pendant six mois pour s’indigner qu'aucun article ne soit paru à leur sujet... Le couteau à beurre a finalement du bon...d

Et après, quand on voit un journaliste blasé, on se demande "pourquoi"... 

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2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 09:10

Il y a une discutions qu’un journaliste a beaucoup de mal à apprécier. Je me rappelle encore ma première fois :


«- Bonjour, je voudrais parler à Ddx (voix enjouée d’une jeune femme sans doute belle et gracieuse)
Oui, c’est moi. (voix sensuelle et profonde d’un jeune homme en train de se curer le nez)
Bonjour, c’est Samantha, je travail pour le bureau de presse DansTonCom, qui gère entre-autre la communication de Sweater International.
Bonjour, Samantha. (voix très poli, surtout avec les jeunes femmes sans doute belle et gracieuse)
Dites-moi, avez-vous fait un article suite à l’interview du PDG de Sweater International ?
-….et bien oui. Il est même paru en couverture, il y a deux semaines… (voix agacée)
Ah oui ! Mais c’est très bien ça ! Vous pourriez me le faire parvenir ! (voix tressautant de bonheur)
Oui, je ferais ça dès que j’aurais un moment. (ou « tu l’as reçu, t’as qu’à le chercher, cocotte »)
Et pourriez-vous m’envoyer vos tarifs publicitaires ? (voix qui devient soudain plus sérieuse qu’enjouée)
Ah !?! Vous êtes intéressées pour une page de pub ?
- ….ben en fait, non
!?!
- ….c’est pour dire à Sweater combien ils ont économisé en pub via votre article… (presque chuchoté)
-…………….(voix qui ne dit pas « non mais elle se fout de ma gueule, cette greluche ?)

 

Cette jeune attachée de presse (dont la finesse est comparable à celle d’un Texan bourré patrouillant à la frontière mexicaine) m’avait assenée en pleine gueule une vérité que le public a tendance à oublier :

 

« Les entreprises voient d’abord dans un article de presse l’économie d’un achat d’espace publicitaire,

une ligne « moins » sur leur tableur Excel. »
 

Attention : ce principe n’est pas nouveau, et peut s’apparenter à un échange de bons procédés (donnes-moi des infos intéressantes sur toi pour nourrir « la bêêêête », et ça te fera de la pub).



Le vrai problème pour la presse web (dont les articles sont modifiables après diffusion) vient quand l’entreprise évoquée revient vers le journaliste pour lui demander s'il peut :

« modifier ce passage »,
« changer ce mot »,
« citer plutôt cette personne qu’une autre »,
« ne pas évoquer la concurrence »,
« dire que le PDG a été primé par le Medef »,
« mettre en avant ce produit phare en particulier »,
« rappeler que nous sommes numéro 1 du secteur »,
« enlever le passage avec nos baisses de revenus l’an passé »,
« retirer notre condamnation pour trucage des chiffres »,
« supprimer le passage sur les usines fermées pour travail au noir »… 

 

Alors, comme c’est bientôt mes 25 ans (je sais : « ça passe vite », « un quart de siècle », « ça nous rajeunit pas », « bientôt la ménopause »…), je m’offre ici la seule réponse qui me vient alors à l’esprit dans ces moments, où l’envie de vient de fourrer mon clavier (et ma souris) au plus profond du fondement de mes interlocuteurs (la musique va avec) :



Bien sûr ! Je vous mets une pipe et une Mars, aussi ?

Tu veux l’écrire toi-même, ton article ?
Et ben t’achètes une pub, pauvre merde !

Tu t’es cru chez Skyblog, tocard  !?!
 

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24 juin 2009 3 24 /06 /juin /2009 09:35

 

Le croiras-tu, lecteur, je n’ai pas toujours officié dans la mode. Et oui. Je n’ai pas toujours passé mes journées à rencontrer des créateurs avides d’imposer à mes yeux septiques leur concept « luxe », « jamais vu », « hyper-tendance », voir carrément « supra-singulier » ou « upper-stylé » (oui, pour bien signifier leur originalité, certains créateurs de mode créent même des mots).

 

 

Avant d’interviewer des créateurs de bottes en cuir vendues au prix d’une mobylette Peugeot (toute option), j’ai donc interviewé des porteurs de bottes en caoutchouc achetées 30 francs (nouveaux) à la coopérative agricole du coin.

 

Mais étrangement, les différences entre l’avant et l’après ne sont pas aussi criantes que l’on pourrait le croire.

 
Aujourd’hui, je me rends les yeux bouffis à des conférences de presse matinales où les responsables encravatés de sociétés expliquent leur volonté de s’orienter vers une utilisation plus importante de matières recyclés (parce que c'est pas de la merde). Avant, je me rendais les yeux bouffis à des conférences de presse matinales où les responsables encravatés de sociétés agricoles m’expliquaient leur volonté de s’orienter vers une utilisation plus importante de "matières" recyclés (et là, c'est de la merde).
 

Par exemple, aujourd’hui je m’éreinte à extraire du flot de paroles marketing de mes interlocuteurs les quelques informations valables nécessaires à ma subsistance journalistique. Avant, je m’éreintais à extraire du flot de paroles à demi-patoises de mon interlocuteur les quelques bribes de mots intelligibles à partir desquels je pourrais, vaguement, comprendre de quoi il me parle depuis…depuis…quoi, vingt minutes, déjà, mais c’est dingue !?!

 

Aujourd’hui, je revois des appels énervés de jeunes créateurs dont je n’ai pu parler, faute d’informations justifiant un article. Avant, j’écoutais les plaintes de quelque Amical Bouliste me reprochant de ne pas avoir couvert leur compétition du week-end dernier dédiée au Téléthon (va leur expliquer que ladite émission n’ayant lieu que dans six mois environs, et la vingtaine de concurrents n’ayant réuni que 50 euros, j’ai quelque peine à vendre le sujet à mon rédacteur en chef).

  

Aujourd’hui j’interviewe des sportifs qui lancent leur propre marque et qui m’assurent qu’ils ont toujours rêvé de créer des vêtements, et que rien que d’y penser, ça les faisait rêver. Avant, j’interviewais des sportifs qui m’assuraient que jamais ils ne feraient des trucs commerciaux comme se mettre à la chanson, ou lancer leur marque de mode, et que rien que d’y penser ça les fait bien marrer.

 

Non, vraiment, les différences ne sont pas aussi criantes...

 

 

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18 mars 2009 3 18 /03 /mars /2009 09:42

Parlons de luxe. Je sais que tu es curieux, lecteur, de connaitre l’univers dans lequel mon métier me fait évoluer. Je vais donc te parler de ses strass, de ses paillettes, de ses moulures et de ses draperies de fils d’or. Mais afin de ne pas te faire passer trop rapidement de ton morne quotidien à l’univers chatoyant de nos amis les riches, ce qui pourrait t’occasionner une syncope (voir une Mickael Vendettaïsation), évoquons d’abord le luxe par un domaine qui t’es vaguement familier. Laisse-moi donc de conter…les chiottes du Westin.

 

Pour tous les non-possesseurs de Rolex dont les vies ne sont qu’un océan de banalité looseristique (travail, famille, courses le samedi…), je rappelle que le Westin est ce grand hôtel parisien situé non loin de la place Vendôme, à l’angle de la rue Castiglionne et du boulevard de Rivoli. Il m’est régulièrement donné de me rendre dans ce grand Formule 1 amélioré à l’occasion de salons ou de conférences où petits-fours et caféine réapparaissent à volonté (un peu comme dans Harry Potter…)

 

Parlons des toilettes, donc. Comme toi, comme moi, comme tout le monde, les riches ont régulièrement des besoins pressants, qui les poussent à se rendre aux WC. Ceux du Westin se trouvent face au bucolique Jardin d’Hiver. L’on accède aux toilettes via un vestibule dont la moquette s’avère épaisse comme une liasse de billet, étouffant ainsi les bruit de pas (oui, le riche n’aime pas que l’on sache qu’il va faire caca). Là où un banal trois étoiles indiquent les toilettes femme et homme par un simple symbole schématique des deux sexes, le Westin va plus loin. Sur les deux portes trouve-t-on ainsi deux portraits calligraphiés soigneusement encadrés, représentant un gentilhomme et une gente dame apprêtés comme aux dernières heures du XIXe siècle.

 

Le riche pousse alors la porte destinée à son sexe (il s’agit là d’une image, encore que durant certaines soirées partouzatoires de la capitale, on rapporte que quelques barbons alcoolisés et autres animateurs télévisés auraient déjà déshonorés quelques serrures Louis XVI) et arrive dans un espace avoisinant les 30 m², tout tapissé de marbre et de boiserie. En musique, car les latrines sont délicatement nappées d’une musique jazzy invitant au recueillement défécatoire. A gauche, on trouve comme n’importe où les fameuses pissotières, accompagnées de solides plaques de marbre noir pour préserver l’intimité de leurs utilisateurs. Ici, pas de boules désodorisantes au fond du récipient, Chanel ayant refusé d’en produire pour embaumer cet espace singulier. A droite se tiennent les cabines, où le passant fortuné posera son séant avec de recourir au papier toilette sept épaisseurs de l’hôtel, dont les dérouleurs plaqué or sont surmontés d’un mot du directeur : « Il nous est impossible de vous proposer le papier toilettes Louis Vuitton précédemment octroyer ici, la maison en ayant cessée sa production » *.

 

Contrarié par cette annonce, le visiteur sort de la cabine et se rend aux lavabos, marbrés eux-aussi, installés de part et d’autre de la pièce. Après avoir mouillé ses mains en actionnant les rutilants robinets argentés, il se oint les mains avec le savon Thierry Mugler accroché au mur (vous ne croyiez tout de même pas qu’ils allaient mettre du « Le Chat » comme chez les gueux de province, non !). Après s’être abondamment rincé les mains, le fortuné visiteur se les essuie grâce à des serviettes épaisses comme des nappes, empilées au millimètre prêt au bord de l’écuelle nacré. Satisfait, il se redresse et toise alors les reflets de son crâne dégarni dans un miroir dont l’ampleur dépasse celle du pare-brise d’un monospace. S’adressant à lui-même un signe de satisfaction, l’homme pousse alors la porte par laquelle il est rentré.

 

A l’extérieur, une femme voutée d’une cinquantaine d’années passe l’aspirateur sur l’épaisse moquette du vestibule. « Bonjour » lui adresse alors l’homme en traversant la pièce sur un bruit de pas étouffés. La femme sursaute, et regarde, les yeux ronds, le passant encravaté qui la fixe, la bouche et le regard souriant. Elle rend le bonjour d’une voix voilée par l’âge et la cigarette. Un acte dont elle est peu coutumière tant les bonjours lui sont rarement adressés. Cette surprise pèse dans sa réponse, comme pour souligner à l’homme à quel point il est inconvenant pour un client de saluer le petit personnel. Gêné, l’homme disparait, emportant sa démarche silencieuse dans le couloir voisin. La femme baisse alors la tête, et se remet à frotter assidument la moquette épaisse telle une liasse de billet dont, elle, ne verra sans doute jamais la couleur.


La prochaine fois, je vous initierais à la Haute Couture en commencant par "La boutique Tektonik (TCK) de Chatelet".


 * : j'exagère, naturellement, mais il m'a tout de même été donné de voir voir à Londres un papier toilette orné de fins liserets d'or rappelant les motifs Burberry. Comme quoi, se torcher bling-bling, c'est possible.

 Classique, mais ça colle bien.
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