Il y a une discutions qu’un journaliste a beaucoup de mal à apprécier. Je me rappelle encore ma première fois :
«- Bonjour, je voudrais parler à Ddx (voix enjouée d’une jeune femme sans doute belle et gracieuse)
- Oui, c’est moi. (voix sensuelle et profonde d’un jeune homme en train de se curer le nez)
- Bonjour, c’est Samantha, je travail pour le bureau de presse DansTonCom, qui gère entre-autre la communication de Sweater International.
- Bonjour, Samantha. (voix très poli, surtout avec les jeunes femmes sans doute belle et gracieuse)
- Dites-moi, avez-vous fait un article suite à l’interview du PDG de Sweater International ?
-….et bien oui. Il est même paru en couverture, il y a deux semaines… (voix agacée)
- Ah oui ! Mais c’est très bien ça ! Vous pourriez me le faire parvenir ! (voix tressautant de bonheur)
- Oui, je ferais ça dès que j’aurais un moment. (ou « tu l’as reçu, t’as qu’à le chercher, cocotte »)
- Et pourriez-vous m’envoyer vos tarifs publicitaires ? (voix qui devient soudain plus sérieuse qu’enjouée)
- Ah !?! Vous êtes intéressées pour une page de pub ?
- ….ben en fait, non.
- !?!
- ….c’est pour dire à Sweater combien ils ont économisé en pub via votre article… (presque chuchoté)
-…………….(voix qui ne dit pas « non mais elle se fout de ma gueule, cette greluche ?)
Cette jeune attachée de presse (dont la finesse est comparable à celle d’un Texan bourré patrouillant à la frontière mexicaine) m’avait assenée en pleine gueule une vérité que le public a tendance à oublier :
« Les entreprises voient d’abord dans un article de presse l’économie d’un achat d’espace publicitaire,
une ligne « moins » sur leur tableur Excel. »
Attention : ce principe n’est pas nouveau, et peut s’apparenter à un échange de bons procédés (donnes-moi des infos intéressantes sur toi pour nourrir « la bêêêête », et ça te fera de la pub).
Le vrai problème pour la presse web (dont les articles sont modifiables après diffusion) vient quand l’entreprise évoquée revient vers le journaliste pour lui demander s'il peut :
« modifier ce passage »,
« changer ce mot »,
« citer plutôt cette personne qu’une autre »,
« ne pas évoquer la concurrence »,
« dire que le PDG a été primé par le Medef »,
« mettre en avant ce produit phare en particulier »,
« rappeler que nous sommes numéro 1 du secteur »,
« enlever le passage avec nos baisses de revenus l’an passé »,
« retirer notre condamnation pour trucage des chiffres »,
« supprimer le passage sur les usines fermées pour travail au noir »…
Alors, comme c’est bientôt mes 25 ans (je sais : « ça passe vite », « un quart de siècle », « ça nous rajeunit pas », « bientôt la ménopause »…), je m’offre ici la seule réponse qui me vient alors à l’esprit dans ces moments, où l’envie de vient de fourrer mon clavier (et ma souris) au plus profond du fondement de mes interlocuteurs (la musique va avec) :
Bien sûr ! Je vous mets une pipe et une Mars, aussi ?
Tu veux l’écrire toi-même, ton article ?
Et ben t’achètes une pub, pauvre merde !
Tu t’es cru chez Skyblog, tocard !?!